Encadrement des dossiers de crédit : le gouvernement doit aller plus loin !

Campagne de l’Union des consommateurs
Porte parole et membre de la TACAE : L’Association coopérative d’économie familiale de l’Estrie (ACEF Estrie) – 16 novembre 2020

Le 12 juin dernier, le gouvernement a déposé le Projet de loi n° 64 devant l’Assemblée nationale du Québec. Ce projet de loi vise à moderniser le cadre législatif en matière de protection des renseignements personnels. Attendu depuis de nombreuses années, le projet de loi est muet quant à l’utilisation à des fins non financières des données contenues dans le dossier de crédit des Québécois. Or, cette utilisation des dossiers de crédit à des fins non financières est problématique et l’actuelle révision des mesures de protection des renseignements personnels dans le secteur privé serait une occasion en or pour aborder cette question.

NON à l’utilisation des dossiers de crédit en matière de logement, d’emploi et d’assurances

À l’origine, le dossier de crédit était destiné aux prêteurs. Il visait à leur permettre d’évaluer le risque lors de l’octroi d’un produit de crédit. Il est maintenant utilisé par plusieurs autres acteurs, tels les employeurs, les assureurs et les propriétaires de logements. Et cette utilisation peut avoir des effets dévastateurs pour certains consommateurs.

 

Dans le domaine de l’emploi :

 

Régulièrement, des gens se voient demander l’accès à leur dossier de crédit dans le cadre d’un processus d’embauche. Une étude menée en 2012 par Demos révélait que parmi les ménages à faibles et moyens revenus qui ont des dettes de carte de crédit, un adulte sur quatre au chômage a dû se soumettre à un contrôle de solvabilité dans le cadre d’une demande d’emploi. Parmi ces chômeurs, un sur dix a déclaré qu’on lui avait refusé un emploi en raison de son mauvais crédit. On peut pourtant se demander en quoi une dette de carte de crédit, par exemple, témoigne d’un manque de compétence pour un éventuel emploi. Sauf exception, il n’y a pas de lien évident entre les aptitudes et les qualifications requises pour un emploi et le dossier de crédit. Plusieurs États américains ont interdit l’utilisation du dossier de crédit dans le processus de préembauche, pour éviter la possible discrimination. Le Québec devrait suivre leur exemple.

 

Dans le domaine du logement :

 

La majorité des propriétaires demande maintenant à consulter le dossier de crédit d’un locataire potentiel avant de lui accorder le logement. Or, le dossier de crédit ne contient aucune donnée sur l’historique de paiement du loyer et sur les revenus. Est-ce alors un moyen juste d’évaluer la fiabilité d’un futur locataire ? Un locateur dispose de nombreuses autres manières de vérifier la capacité de payer le loyer. D’ailleurs, la Commission des droits de la personne souligne l’aspect discriminatoire que peut revêtir une telle pratique.

L’accès à un logement peut ainsi être injustement compliqué pour certaines catégories de personnes : avoir peu de crédit peut nuire au pointage de crédit ou même faire en sorte que le pointage ou le dossier sont inexistants. C’est souvent le cas pour les jeunes ou les nouveaux arrivants. Même s’ils ont la capacité de payer leur loyer, leur pointage peut être très bas. L’ironie, c’est qu’ils n’ont souvent aucune dette.

 

Dans le domaine des assurances :

 

Un mauvais dossier de crédit entraîne une augmentation des primes d’assurance. Vu le nombre important d’erreurs que contiennent les dossiers de crédit, cela n’est pas rassurant. Une étude de la Federal Trade Commission aux États-Unis a évalué que le quart des dossiers de crédit comportent des erreurs tandis que les erreurs affectent de manière importante le pointage de crédit dans 5 % des dossiers. Un reportage de La Facture de mars 2020 évaluait que cela pourrait représenter un million de dossiers de crédit au Canada. La fiabilité de cet outil qui est censé permettre d’évaluer le risque semble pour le moins douteuse. Plusieurs provinces canadiennes ont interdit l’utilisation du pointage de crédit pour l’établissement des primes en assurance auto et Terre-Neuve l’a en outre interdite pour l’assurance habitation. Le Québec doit faire de même.

En somme, il est inacceptable que des personnes n’aient pas accès à un logement ou un emploi, ou que leur prime d’assurance coûte une fortune pour la seule raison qu’ils ont une dette non payée, par exemple.

 

Les dossiers de crédit ne devraient pas être consultés par des employeurs, des assureurs ou des locateurs. Seuls ceux qui proposent du crédit devraient avoir accès aux dossiers de crédit.

Compte tenu de la place que prend le dossier de crédit dans la vie des citoyens, il est important d’interdire son utilisation par les employeurs, les locateurs et les assureurs.

Ne permettre l’accès aux dossiers de crédit qu’aux seules personnes et entreprises qui le consultent dans le but d’octroyer du crédit nous semble être la meilleure solution à court terme. Pourquoi ne pas aussi repenser complètement la gestion des dossiers de crédit, qui mériterait une réforme en profondeur ? Les gouvernements provinciaux et fédéral devraient entreprendre une large réflexion sur la détention et la gestion des dossiers de crédit par des entreprises privées.

La France, par exemple, s’est dotée d’un Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), un service public encadré par le Code de la consommation. La nationalisation est une avenue possible qui devrait être évaluée par nos élus. L’État est vraisemblablement mieux désigné que des entreprises privées pour veiller à la protection des renseignements personnels et de l’intérêt public.

Pour plus d’information concernant l’utilisation des dossiers de crédit à des fins non financières et pour connaître notre position sur le sujet, nous vous invitons à consulter le mémoire produit par UC suite au dépôt du projet de loi 53.

 


 

Vous êtes en accord avec nos positions ? Demandez au ministre ou à votre député de travailler à changer les choses !

Copiez-collez le message encadré ci-dessous et envoyez-le par courriel ou par la poste à votre député et au ministre de la Justice Simon Jolin-Barette. N’oubliez pas d’ajouter votre nom à la fin du message et de nous mettre en copie de votre courriel (info@uniondesconsommateurs.ca) afin de nous permettre de faire le suivi de cette campagne.

Pour trouver le courriel de votre député, rendez-vous sur le site de l’Assemblée nationale : http://www.assnat.qc.ca/fr/deputes/index.html. Sélectionnez votre député et cliquez sur l’onglet « coordonnées ».

 

Pour écrire au ministre de la Justice utilisez l’un des deux courriels suivants : ministre@justice.gouv.qc.ca et sjb.BORD@assnat.qc.ca

 

Objet du courriel : Interdisons aux propriétaires, aux employeurs et aux assureurs l’accès aux dossiers de crédit

Texte à copier :

Bonjour,

Je vous écris pour vous demander l’interdiction de l’utilisation du dossier de crédit dans l’étude d’une candidature pour un logement ou un emploi et pour l’évaluation du risque en assurance. Le dossier de crédit a été conçu pour permettre aux personnes ou entreprises prêteuses d’évaluer la solvabilité dans le cadre d’une demande de crédit. Il est maintenant utilisé dans plusieurs domaines secondaires avec des effets qui peuvent être dévastateurs pour certaines personnes.

Je trouve choquant que des citoyen.ne.s québécois.es puissent se voir refuser un emploi ou un logement, ou être contraint.e.s à payer plus cher leurs assurances pour l’unique raison qu’ils ou elles sont endetté.e.s ou parce qu’ils ou elles n’ont pas de dossier de crédit ou encore que leur dossier est trop mince.

L’accès à l’emploi et le droit au logement sont des droits fondamentaux qui ne devraient pas pouvoir être affectés en raison, par exemple, d’une dette de téléphonie ou de retards sur des paiements de carte de crédit.

Les dossiers de crédit :

    1. N’ont aucun lien avec les compétences professionnelles d’un individu ;
    2. Ne sont pas fiables pour évaluer la capacité de payer de futur.e.s locataire.trice.s puisqu’ils ne comportent aucune donnée sur l’historique de paiement de loyer ;
    3. Sont réputés contenir des erreurs qui peuvent affecter négativement la cote de crédit ;
    4. Désavantagent de manière systématique les jeunes et les personnes nouvellement arrivées au pays qui n’ont encore jamais utilisé de produits de crédit.

Sachant que plusieurs États américains ont déjà restreint l’utilisation du dossier de crédit dans le domaine de l’emploi et que des provinces canadiennes ont également restreint son utilisation dans le domaine des assurances, il est de votre devoir de veiller à ce que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé soit modifiée afin de mieux protéger les citoyen.ne.s.

Le projet de loi n° 64 présentement à l’étude à l’Assemblée nationale est une occasion parfaite pour corriger l’injustice qui a cours dans ces secteurs d’activités.

Je vous remercie de prendre en considération cette préoccupation,

Votre nom

 

 


 

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