Le droit à la protection sociale : un droit nouveau?

Le 10 mars 2021 a eu lieu un webinaire organisé par la Ligue des Droits et Libertés et animé par Martine Letarte, journaliste. Les panélistes étaient les suivant.e.s : Marie-Pierre Boucher (GIREPS), Maxime Boucher (groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec) et Lucie Lamarche, professeure en sciences juridiques. La TACAE y a assisté et vous offre un résumé.

La question qui était posée aux panélistes est la suivante : Qu’est-ce qui distingue les mesures de protection sociales adoptées à cause de la pandémie des mesures habituelles et peuvent-elles poser les bases d’un nouveau système de protection sociale?

Marie-Pierre Boucher

Nos mesures sociales habituelles se basent beaucoup sur la distinction entre les personnes « actives » et les personnes « inactives » (personnes n’occupant pas d’emploi rémunéré). Les nouvelles mesures se sont calquées sur ce modèle : très peu de mesures de protection sociale ont été adoptées pour les personnes « inactives », et les montants ont été très modestes.

Les nouveautés de la PCU et de la PCRE :

  • Rejoignaient plus de personnes que les prestations d’assurance-chômage. D’ailleurs, la crise a permis de souligner les lacunes de ce système, qui excluait plus de 60 % des travailleuses et travailleurs. Par exemple, un.e travailleuse.eur indépendant.e avait droit à la PCU, mais pas à l’assurance-emploi habituelle.
  • Le montant des prestations n’était pas calculé en fonction du revenu préchômage, elles sont égales pour tout le monde.
  • Individualisé : ce n’est pas comme l’aide sociale : chaque personne d’un ménage y avait droit, peu importe leur situation matrimoniale.
  • Possibilité lors de la version PCRE de cumuler un revenu de travail sans pénalités.

Conclusion :

Les différences entre les mesures « normales » et les mesures « covid » s’expliquent entre autres par le contexte : il fallait empêcher les gens de travailler plutôt que forcer leur retour au travail le plus rapidement possible.

Conclusion : Oui, les mesures de protection sociales dans le cadre de la Covid-19 peuvent jeter les bases d’un nouveau droit à la protection sociale. Il y a trois éléments à retenir :

  • Universalité (catégories de « aptes » et « inaptes » au travail, personnes « méritantes » et « non-méritantes »)
  • Garantie d’un revenu de base à hauteur du seuil de pauvreté et la possibilité de cumuler d’autres revenus.
  • Autorisation de quitter son emploi pour n’importe quel motif (permets de quitter un emploi précaire ou inintéressant)

Maxime Boucher

La PCU peut être vue comme un banc d’essai pour une transformation des protections sociales. Certaines associations s’en servent pour élaborer des modèles de revenu de base et de plus en plus de publications se font sur la question. C’est le cas, par exemple, de l’étude CANCEA sur le revenu de base, qui prouve que ce dernier stimule l’économie et fait grimper le PIB.

La PCU prouve qu’il faut rendre les mesures d’aide forfaitaires : on donne la prestation d’abord, et on vérifie l’admissibilité ensuite.

Il faut par contre rendre les critères plus clairs. Dans le cas de la PCU, les personnes qui voulaient faire une demande d’aide sociale ont dû, comme à l’habitude, faire une demande de chômage pour prouver qu’ils et elles avaient tenté tous les autres recours. Les personnes qui n’étaient pas admissibles au chômage étaient automatiquement redirigées vers la PCU et ont maintenant des sommes importantes à rembourser, tant au provincial qu’au fédéral.

Aussi à retenir : les conditions d’existence ne sont pas qu’une question de revenu. L’accès à des services sociaux, à une agriculture locale de qualité et à un travail qui fait un sens pour la personne est tout aussi important.

Lucie Lamarche

Qu’est ce que le droit humain à la protection sociale ? Sur la scène Internationale, il existe depuis plus de 100 ans. Voici les critères qui le balisent :

  • Universalité (ce qui veut dire qu’il y a une réponse pour tout le monde et non pas la même réponse pour tout le monde)
  • Doit être protégé (par une loi, un cadre, etc.)
  • Pérenne (par exemple, ce n’est pas le cas de la PCU/PCRE)
  • Adéquate (devrait être plus généreuse qu’une simple mesure pour pallier à la pauvreté et ne pas se baser strictement sur l’aspect financier)
  • Égalité (équité veut dire le même traitement pour tout le monde alors qu’égalité vise à vaincre les discriminations) : La qualité de l’emploi est toujours occultée des calculs et des discours alors qu’il s’agit d’un élément central. Les discriminations sont encrées dans le milieu de l’emploi et du domaine social, et non directement dans les mesures fiscales. Il s’agit donc du nerf de la guerre.

Pour elle, le droit à la protection sociale et le droit à un emploi décent sont indissociables.

De plus, des mesures telles que le revenu de base doivent être plus élevées que la simple MPC.

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