Pour en finir avec le gaspillage alimentaire
Le 25 février 2021 a eu lieu une table ronde sur le gaspillage alimentaire animé par Émilie Lacroix (projet Sauve ta bouffe, AmiEs de la Terre de Québec). Les panélistes étaient les suivant.e.s : Émilise Lessard-Therrien (députée de Québec solidaire), Karel Ménard (directeur du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets — FCQGED) et Estelle Richard (autrice du livre « Pour en finir avec le gaspillage alimentaire »). La TACAE y a assisté et vous offre un résumé :
Quelles sont les causes du gaspillage alimentaire ?
Plusieurs causes sociales et économiques d’après-guerre ont amené une transition du « mangeur/mangeuse » vers le « consommateur.trice » (ex. : exode rural, industrialisation, etc.). La réorganisation du travail et de la vie de famille a mené à la perte dans la relation qu’on a avec le temps, le temps que l’on prend pour cuisiner et manger nos repas. Il y a eu également une perte culturelle au niveau du savoir culinaire.
Ces éléments ont pour conséquence une déconnexion complète du sens de la valeur de nos aliments. On ne considère plus l’alimentation comme un bien précieux, une richesse à laquelle on doit le respect, mais seulement comme un bien de consommation banal.
On jette nos aliments sans s’en rendre compte !
En termes de matières résiduelles, c’est rendu très facile de jeter les aliments, car il y a des systèmes de collecte municipale qui envoient les matières au compost ou aux dépotoirs. On ne s’en rend pas compte, mais on le paye dans le prix du produit acheté et à travers nos taxes.
On se retrouve complètement déconnecté.e.s avec l’agriculture et l’ensemble de l’énergie déployée pour produire les aliments. Les produits sont emballés, donc le consommateur.trice a une connexion avec l’emballage et n’est plus en contact direct avec le produit ou l’agriculteur.trice. Pourtant cette connexion permet une prise de conscience de la valeur de tous les gestes nécessaires pour faire pousser un légume.
Le gaspillage alimentaire en temps de pandémie
Le gaspillage alimentaire a augmenté depuis le début de la crise de la COVID au niveau de la fabrication et la distribution. Il est primordial de repenser les canaux de distribution et de réduire les intermédiaires pour trouver une solution rapidement afin de redistribuer les invendus sans jeter (Ex. : le lait d’une petite entreprise locale a pu être mis en bouteille et distribué à des organismes communautaires locaux alors que de grands groupes ont jeté une grande quantité de leur production de lait dans l’environnement). Il est incontournable d’aller vers des circuits courts et favoriser l’achat local, indiquent les panélistes.
Durant cette période, les ménages ont eu plus de temps pour cuisiner et manger plus en famille. Ils ont donc augmenté leur réflexe à mieux gérer leur nourriture et donc de réduire le gaspillage de leurs aliments.
Quelques conseils et solutions pour lutter contre le gaspillage alimentaire
Des gestes individuels ont été cités :
— Prendre du recul et tirer un portrait de votre consommation alimentaire en apprenant à vous connaître en tant que mangeuse ou mangeur et ainsi analyser le gaspillage effectué : qu’est-ce qu’on gaspille ? Qui ? Comment ? Pourquoi ? etc. ;
— Planifier les achats et manger avant d’aller à l’épicerie ;
— Organiser les repas à l’avance ;
— Apprendre à cuisiner davantage, avoir les outils adéquats et apprendre à s’en servir ;
— Apprendre à faire des conserves, de la déshydratation, etc. ;
— Changer vos habitudes en ciblant un aliment ou un moment de la journée avec l’ensemble du ménage, car l’alimentation ne repose pas seulement sur une personne et le gaspillage est effectué par l’ensemble de la famille ;
— Ajouter différentes épices selon les plats pour manger les mêmes aliments dans différents repas sans s’en rendre compte ;
— Cibler des aliments simples, polyvalents, faciles à apprêter ;
— Mieux gérer votre frigo en faisant la rotation avec les produits qui se retrouvent au fond.
Des gestes collectifs sont nécessaires tels que l’éducation citoyenne notamment auprès des enfants pour qu’ils ou elles reconnectent avec leur nourriture et qu’ils ou elles se réapproprient leur cuisine. Il est possible de les impliquer tous les jours dans la préparation des repas en famille.
Il existe des cours de cuisine et des formations (savoir manier les couteaux par exemple) à travers les cuisines collectives qui permettent la transmission des connaissances et de valeurs qui aident la culture du « bien se nourrir » et donc de moins gaspiller. Il serait important de mieux soutenir financièrement ces cuisines collectives qui permettent de redonner l’autonomie alimentaire et une meilleure accessibilité au savoir culinaire (avantages économiques et culturels).
La vraie solution réside dans l’adoption de mesures gouvernementales afin de mieux structurer la production, la distribution et la transformation de l’alimentaire. Il s’agit de passer en circuit court en achetant local et en réduisant les intermédiaires.
Le « dumpster diving » ou le déchétarisme est une solution intéressante et gratuite pour les personnes à faible revenu, même si c’est une aberration de devoir fouiller dans les poubelles pour trouver de la nourriture encore bonne. Une panéliste indique que cela n’apporte pas de vrais changements de société au problème, car l’impact positif est limité, ce qui maintient le système tel qu’il est actuellement.
Un projet de loi de lutte contre le gaspillage alimentaire
Le Projet de loi 491 visant la lutte contre le gaspillage alimentaire a été adopté à l’humanité en novembre 2020. Ce projet cible une réduction du gaspillage de 50 % grâce à des ententes réglementées entre les supermarchés et les organismes communautaires. L’idée est d’obliger les distributeurs à s’assurer que leurs produits invendus ne se retrouvent pas dans les dépotoirs, donc dans la nature, et qu’ils soient revalorisés de différentes façons : à travers les banques alimentaires, les producteurs agricoles qui nourrissent leurs animaux, revaloriser entre deux départements du supermarché, etc.
Ce projet, qui n’a pas retenu l’attention du gouvernement, ne règle pas le problème du gaspillage alimentaire à la source, mais seulement sur le dernier intermédiaire avant le consommateur.trice : la distribution. Aussi, la sécurité alimentaire ne devrait pas reposer sur le gaspillage alimentaire. Il s’agit donc d’une solution à court terme. Enfin, les organismes communautaires ont des défis logistiques et de ressources. Il serait nécessaire de soutenir financièrement les organismes communautaires pour les aider à mener à bien ce projet.
Qu’est-ce qu’un circuit court ?
Un circuit court est un procédé de réduction des intermédiaires sur la chaine de distribution alimentaire. Exemple du Marché de proximité de Québec, OBNL où les producteurs vendent directement leurs produits biologiques, locaux et saisonniers (alimentaires et autres) aux consommateurs.trices à travers des commandes en ligne, disponibles toute l’année (l’offre est ajustée selon les produits disponibles). Le marché charge seulement 15 % des ventes.
Autres actions ?
Une panéliste propose de déconcentrer les infrastructures de transformation pour pallier le déficit dans la région. Ex. : en Abitibi il n’y a pas d’abattoir. Les éleveurs doivent faire abattre le bétail dans le sud de la province et ne sont pas capables de faire leur propre mise en marché localement.
Un autre panéliste suggère de donner davantage d’espace « tablette » pour les produits québécois afin de prioriser les produits locaux dans les épiceries. Il s’agit également de mettre de l’avant les produits de saison qu’on produit ici. Cela créera de l’autosuffisance alimentaire qui est bénéfique pour l’économie, le social et l’environnement.